Par Élise Dagenais, étudiante à la maîtrise en sociologie, UQAM
ARTICLE #6 de la Charte internationale des droits universels des femmes en période périnatale : Abandon, refus de soins (par le personnel)
Comment interpréter la situation des migrantes à statut précaire enceintes ou allant accoucher dans les institutions de santé au Canada comme une manifestation de violence obstétrique? Cette interrogation m’habite dans le cadre de mon implication sociale et elle attire mon attention. Par ce blogue, je vais exposer la situation des migrantes à statut précaire en regard des soins périnataux et amorcer par la suite une réflexion sur la situation de violence produite dans ce contexte de soins.
Deux faits attirent mon attention par rapport à l’exclusion des femmes immigrantes des institutions de santé. La première concerne les barrières économiques et administratives dues aux restrictions aux assurances médicales provinciales pour certains statuts migratoires précaires . La deuxième situation relève de l’inadaptation des soins en regard des besoins spécifiques liés aux barrières linguistiques et aux besoins socioéconomiques particuliers des migrantes.
Ces contraintes aux soins discriminent les femmes sur la base de certains de leurs attributs et ont des conséquences observables sur la santé des futures mères, mères et enfants. Cela limite la prestation de soins préventifs pouvant déceler les problèmes et appliquer des soins aux moments opportuns pour la mère et le fœtus . L’inadaptation réduit la portée positive des soins pour les femmes. Par exemple, les barrières linguistiques les empêchent de faire comprendre leurs besoins aux professionnels et de comprendre adéquatement les explications.
Ces barrières administratives et organisationnelles illustrées font en sorte que les cas particuliers liés à la grossesse ne sont pas répondus adéquatement par les institutions de soins. Cette absence de soins est en soi une forme de violence obstétrique parce qu’il s’agit d’une inaction devant les besoins des femmes enceintes et des parturientes. Par ailleurs, je propose que cette violence ne tient pas son origine dans les relations individuelles avec les personnels de soins, même si elle est visible dans les interactions institutionnelles. Ainsi, l’absence de soins proviendrait de l’organisation économique et politique des soins.
Nous devons donc interroger la production systémique dans cette forme de violence obstétrique. La violence systémique est l’action systématique d’une institution qui contraint les individus dans leur capacité de répondre à leur besoin élémentaire. Dans le cas qui m’intéresse, la violence se dévoile par la restriction de l’autonomie des femmes dans leur expérience de maternité parce qu’elles ne sont pas en mesure de mobiliser les ressources prévues dans le cadre de la maternité. En outre, comme dans tous types de violence faite à l’endroit des femmes ces dernières ne doivent pas être culpabilisées pour la situation dans laquelle elle se retrouve. Nous devons remettre en question les causes systémiques qui les placent dans cette situation.
Cette remise en question doit commencer avant tout par un changement de perspective dans les discussions autour de l’inclusion des personnes vulnérables dans nos institutions de santé. Trop souvent, les considérations économiques et le «fardeau» des contribuables prennent trop d’espace dans les discussions. Cela parvient davantage à rendre invisibles les besoins des femmes vulnérables tout en conceptualisant la santé comme un privilège, ce qui est contraire aux standards de droits que nous voulons revendiquer au courant de cette semaine. À mon avis, ce retournement de sens est une autre facette de la violence systémique que j’ai tenté de mettre en lumière, car l’intégrité psychologique et physique des femmes migrantes n’est pas prise en considération dans les discussions publiques concernant l’accès des migrantes à statuts précaires aux soins de santé.
Vadeboncoeur, H. (2003) dossier de l’obstétrique,:317, les geste obstétricaux violents, colloque accouchemenr, quelle place pour les femmes?, Naissance et citoyenneté (paris 2 décembre 2003) cité dans La violence obstétricale :une problématique émergente, même au Québec Regroupement naissance renaissance, 25 février 2015
Crettiz X. (2008) :«Les formes de violences», Edition la découverte, Paris, p.6
___________________________________________________________________________ En 2010, dans la foulée des objectifs du G20 pour la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelle et infantile, l’Alliance du Ruban Blanc pour la maternité à moindre risques a réalisé des recherches et a créé le projet des soins respectueux en maternité. À partir de la recherche menée par Bowser et Hill, ils ont dégagé sept articles qui ont constitué la Charte des droits universels des femmes lors de la période périnatale. Le Regroupement Naissance-Renaissance a eu le privilège de participer à la rédaction de cette charte.
ARTICLE VII de la charte internationale des droits universels des femmes en période périnatale : Toute femme a droit à la liberté, à l’autonomie, à l’auto-détermination et elle ne peut être forcée à quoi que ce soit Standards internationaux •• Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, 1994, Article 1 •• Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ICESCR), 1976, Article 1 •• International Planned Parenthood Federation Charter on Sexual and Reproductive Rights, 1996, Article 2 •• Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), 1966, Articles 9.1, 18.2 •• Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, 1997, Article 5 Standards multinationaux et nationaux •• Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, 2000, Article 6 •• Déclaration sur la promotion des droits des patients en Europe, 1994, Article 1.2
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