C’était la période de la « panique H1N1 », mon corps est devenu chaud en plein travail actif. Un thermomètre et hop me voilà en quarantaine, car une petite poussée de fièvre est devenue dangereuse pour le personnel médical. Impossible de quitter ma chambre, ils m’ont obligé à porter un masque, j’étais mal, inconfortable, j’avais peur, mon conjoint était impuissant et surtout inexpérimenté. Je me suis plaint, mais personne ne semblait s’intéresser à moi ni m’entendre. J’entendais des phrases comme : « C’est ça accouché ma belle! », « Es-tu haïtienne ? Vous êtes bruyante les femmes noires », « En attendant l’anesthésiste, je vais te donner un peu de morphine. » Du racisme, j’en vis constamment, pourtant j’ai été assez naïve pour croire que j’aurais un répit du racisme pour donner la vie. Ma vie est moins importante même dans une salle d’accouchement. Vulnérable, je n’avais pas l’énergie pour militer ni la connaissance adéquate de mes droits, j’ai acquiescé et je les ai laissées choisir le déroulement de mon accouchement. C’est alors que le cauchemar a débuté. Morphine, gaz et péridural parsemés de violences verbales et d’indifférences. J’ai demandé que ma mère soit là, ils lui ont refusé l’accès. 12 heures sans bulle, entourée de femmes violentes et humiliantes. J’ai poussé parce qu’on me l’a demandé, je suis sortie de ce corps à cet instant, j’ai accepté de mourir, car je ne pouvais plus y être. Déchirure au 3e degré et dès la naissance de mon fils, ils me l’ont enlevé des bras et m’ont injecté un médicament, le Versed (je l’ai apprise plus tard). Ce médicament, pour me recoudre le périnée complètement ravagé, crée une forme amnésie, mon corps le sait que l’aiguille me transperce, mais je perds le contact de la réalité. L’équivalent de la drogue du viol, mais en version légale. Après l’accouchement, j’ai vécu l’enfer. Cauchemars, dépression, impossible d’allaiter, une vie sexuelle horrible. Je venais de subir un viol, un viol collectif par le personnel médical et les gens autour me disaient : « Tu as un bébé en santé, c’est tout ce qui compte! » J’aime mon fils, mais cet amour n’a pas guéri la violence subie par ceux et celles qui avaient le devoir de me protéger et de me respecter. Voici l’histoire du jour où on a failli m’enlever la vie pendant que je tentais de la donner. Le 29 août 2009, une mère et une survivante sont nées.
top of page
bottom of page
Commentaires